L’édition 2021 du Rapport, intitulée « La Valeur de ‎‎l’eau», propose une analyse de la situation actuelle et des enjeux liés à l’évaluation de la valeur ‎‎de l’eau en tant qu’outil de développement durable.

Résumé par « Pays de Fayence, association des usagers de l’eau » 10 V 2021

La disponibilité de l’eau

Le stress hydrique, mesuré schématiquement par le rapport entre l’utilisation d’eau et les réserves disponibles, affecte de nombreuses régions du monde. Plus de 2 milliards de personnes vivent dans des pays soumis à un stress hydrique. La pénurie d’eau constitue souvent un phénomène saisonnier plutôt qu’un phénomène annuel, comme en atteste la variabilité saisonnière de la disponibilité de l’eau. Près de 4 milliards de personnes vivent dans des zones touchées par une grave pénurie d’eau au moins un mois par an. Près de 1,6 milliard de personnes subissent une pénurie d’eau « économique », c’est-à-dire que même si l’eau est physiquement disponible, cette population ne dispose pas des infrastructures nécessaires pour y accéder . Le prélèvement d’eau aux fins de l’irrigation représente la principale cause d’épuisement des eaux souterraines dans le monde.

Stockage de l’eau

À l’échelle mondiale, la capacité des réservoirs par personne diminue étant donné que l’expansion des réservoirs n’a pas progressé au même rythme que la démographie et que la capacité de stockage décroît, notamment en raison de la sédimentation. Chaque année, les pertes moyennes de volume de stockage correspondent à 1 % environ de la capacité totale des réservoirs, tandis que le coût de la restauration de ces pertes est estimé à environ 13 milliards de dollars EU par an. En raison de la surexploitation intensive des eaux souterraines et d’une perte des eaux de surface liée à la hausse des températures, on observe une diminution considérable des réserves totales en eau.

Demande en eau et utilisation de l’eau

Au cours des 100 ans passés, l’utilisation de l’eau douce dans le monde a sextuplé et continue d’augmenter régulièrement de près de 1 % par an depuis les années 1980. Cette augmentation résulte en grande partie de la croissance démographique, du développement économique et de l’évolution des modes de vie. L’ agriculture est à l’origine de 69 % des prélèvements d’eau dans le monde, utilisés essentiellement pour l’irrigation, mais aussi pour l’élevage et pour l’aquaculture.

Pourtant, à l’échelle mondiale, l’agriculture ne représente qu’environ 4 % du produit intérieur brut :  la valeur ajoutée de l’eau dans l’agriculture est très faible. Selon les estimations de la FAO, basées sur un scénario de maintien du statu quo, le monde aura besoin d’environ 60 % de nourriture supplémentaire d’ici à 2050 : malheureusement, il est possible que le monde soit confronté à un déficit en eau de 40 % d’ici à 2030 si rien n’est fait pour inverser la tendance actuelle.

La qualité de l’eau

La pollution a entraîné une détérioration de la qualité de l’eau dans presque tous les grands fleuves d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Les charges en matières nutritives, souvent associées à des charges en agents pathogènes, constituent l’une des sources de pollution les plus courantes. Au niveau mondial, environ 80 % des eaux usées industrielles et municipales sont déversées sans aucun traitement préalable, ce qui entraîne des effets néfastes sur la santé humaine et sur les écosystèmes.

Phénomènes extrêmes

Au cours de la période 2009-2019, les inondations ont causé la mort de près de 55 000 personnes, affecté 103 millions de personnes, et provoqué des pertes économiques estimées à 76,8 milliards de dollars EU.

Sur la même période, les sécheresses ont touché 100 millions de personnes, dont 2 000 sont mortes, et provoqué des pertes économiques directes estimées à plus de 10 milliards de dollars EU. Au niveau mondial, les inondations et les précipitations extrêmes ont augmenté de plus de 50 % au cours de la dernière décennie et surviennent actuellement à un rythme quatre fois plus élevé qu’en 1980. On s’attend à ce que le changement climatique accroisse encore l’intensité et la fréquence des inondations et des sécheresses.

Risque et résilience

Les pénuries en eau comptent parmi les risques mondiaux qui préoccupent le plus les décideurs politiques et les chefs d’entreprise. Parmi les entreprises ayant déclaré être exposées à ces risques, la valeur commerciale combinée à risque a atteint 425 milliards de dollars EU, soit environ 40 % des risques prévus au cours des trois prochaines années.

Évaluation économique de l’environnement et des infrastructures

D’ici à 2030, les investissements dans les infrastructures d’eau et d’assainissement devront se situer entre 900 et 1 500 milliards de dollars EU par an. Environ 70 % de cet investissement total dans les infrastructures sera réalisé dans les pays du Sud, dont une grande partie dans les zones urbaines à croissance rapide. Dans les pays développés, des investissements importants seront nécessaires afin de rénover et d’améliorer les infrastructures existantes. Outre les avantages sociaux et le bien-être humain souvent non quantifiables qu’ils procurent, les investissements dans les infrastructures de traitement des eaux ménagères et des eaux vertes peuvent offrir un rendement économique considérable.

Évaluer les services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène dans les établissements humains

En 2017, 5,3 milliards de personnes (soit 71 % de la population mondiale) utilisaient un service d’alimentation en eau potable sécurisé — c’est-à-dire, situé sur le lieu d’usage, disponible à tout moment et exempt de contaminations. En outre, 3,4 milliards de personnes (45 % de la population mondiale) avaient accès à des installations d’assainissement gérées de façon sécurisée — c’est-à-dire des toilettes ou des latrines améliorées qui ne sont pas partagées.

Chaque année, on estime qu’environ 829 000 personnes meurent de diarrhées à cause du manque d’eau potable, d’assainissement et d’hygiène des mains, parmi lesquels près de 300 000 enfants de moins de 5 ans, soit 5,3 % des décès dans cette tranche d’âge . Or, dans le monde, plus de 3 milliards de personnes et deux établissements de santé sur cinq ne disposent pas d’installations pour se laver les mains. Au niveau mondial, les infections liées à des conditions d’hygiène insuffisantes pendant l’accouchement, tant à domicile que dans un établissement de santé, et aux mauvaises pratiques d’hygiène dans les six semaines qui suivent la naissance, sont à l’origine de 11 % des décès maternels, principalement dans les pays à revenu faible et intermédiaire.

 69 % des enfants scolarisés ont accès à l’eau potable, 66 % à l’assainissement et 53 % à l’hygiène. Autrement dit, 570 millions d’enfants ne bénéficient d’aucun service d’approvisionnement en eau pour boire dans leur établissement scolaire, 620 millions d’enfants ne bénéficient d’aucun service d’assainissement et 900 millions d’enfants, de dispositif d’hygiène.

On estime qu’environ 230 millions de personnes, principalement des femmes, font plus de 30 minutes de trajet aller-retour pour aller chercher de l’eau à des sources situées loin de leur foyer. En d’autres termes, les femmes passent, chaque jour, 200 millions d’heures, soit 8,3 millions de jours ou 22 800 ans, à collecter de l’eau. Les pertes annuelles en journées de travail dues au manque d’accès aux installations sanitaires sont estimées à 6,5 milliards de dollars EU au moins. De surcroît, les maladies transmissibles principalement causées par une eau potable de mauvaise qualité ainsi qu’un manque d’assainissement et d’hygiène entraînent chaque année près de 400 000 décès sur le lieu de travail.

.D’après une étude menée dans dix pays à revenu faible et intermédiaire, 56 % des subventions profitent en moyenne aux 20 % les plus riches quand seuls 6 % des subventions bénéficient aux 20 % les plus pauvres. Selon le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau 2019, les habitants de bidonvilles doivent s’acquitter de factures 10 à 20 fois supérieures pour l’eau, qui provient de fournisseurs tels que les camions-citernes.

Alimentation et agriculture

Bien que la production alimentaire mondiale ait suivi le rythme de la croissance démographique, près de 750 millions de personnes (soit près d’une personne sur dix dans le monde) étaient encore exposées à un état d’insécurité alimentaire grave en 2019 . Malheureusement, en raison de la pandémie de COVID-19 et de ses répercussions, ce nombre a encore augmenté au cours de l’année 2020.

L’agriculture pluviale exploite 80 % des terres cultivées dans le monde et génère la majeure partie (60 %) de la production alimentaire. L’agriculture irriguée couvre 20 % des terres cultivées dans le monde, mais elle génère 40 % de la production alimentaire. Près de la moitié de ces zones irriguées dépend d’eaux souterraines.

Pour la période 1996-2005, l’empreinte hydrique mondiale liée à la production agricole s’élevait à 69 % de l’empreinte hydrique totale de l’humanité. En dépit d’une croissance économique remarquable ces dernières années, on dénombre encore quelque 2,1 milliards de pauvres, dont 767 millions de personnes vivant dans l’extrême pauvreté. Sur l’ensemble des personnes touchées par la pauvreté, 80 % vivent dans des zones rurales où l’agriculture demeure le moyen de subsistance principal. Selon des estimations fondées sur des données nationales et infra-nationales complètes, 40 % des zones effectivement irriguées dans le monde dépendent de sources d’eau souterraine.Grâce à une comptabilité de l’eau appropriée et à l’application de réglementations strictes en matière de prélèvement, l’adoption de systèmes d’irrigation très efficaces pourrait réduire la consommation d’eau de plus de 70 % tout en maintenant le niveau actuel de rendement des cultures, ce qui permettrait de réaffecter l’eau à d’autres usages tels que la restauration de l’environnement .

Énergie, industrie et commerce

L’Agence internationale de l’énergie  (AIE) estime qu’en 2014, la production d’énergie a été responsable d’environ 10 % de l’ensemble des prélèvements d’eau, parmi lesquels environ 3 % sont consommés. Toujours selon l’AIE, les autres secteurs industriels ont utilisé une quantité similaire (environ 10 % des prélèvements d’eau mondiaux). Pour la période 2000-2050, les prévisions de demande en eau au niveau mondial indiquent une augmentation de 400 % pour l’industrie manufacturière et de 140 % pour la production d’énergie thermique.

À l’échelle mondiale, la teneur moyenne en eau virtuelle des produits industriels correspond à 80 l/dollar EU, mais elle varie beaucoup d’un pays à l’autre. Par exemple, aux États-Unis d’Amérique, elle s’élève à 100 litres par dollar EU tandis qu’en Chine et en Inde, elle se situe entre 20 et 25 litres par dollar EU.

Perspectives régionales

Afrique subsaharienne

Selon les estimations, les ressources en eau douce de l’Afrique représentent près de 9 % des ressources en eau douce mondiales. Toutefois, ces ressources sont inégalement réparties, et on estime que 25 pays d’Afrique devraient souffrir de pénuries d’eau, notamment à cause de la répartition inégale des ressources en eau et des inégalités dans l’accès à des services d’eau propre et potable.

Région arabe

Dans la région arabe, près de 86 % de la population, soit près de 362 millions de personnes, vivent dans des conditions de pénurie d’eau, voire de pénurie absolue. On dénombre 14 pays dans cette région qui utilisent plus de 100 % de leurs ressources en eau douce disponibles.

Cette pénurie d’eau accroît la dépendance à l’égard des eaux transfrontalières, des ressources en eaux souterraines non renouvelables, et des ressources en eau non conventionnelles. La région a donc connu une expansion de l’utilisation des eaux usées traitées. Si l’agriculture ne représente que 7 % du produit intérieur brut régional, elle absorbe 84 % de tous les prélèvements d’eau douce dans la région. Bien que la valeur de cette eau ne soit pas correctement reflétée par la tarification et l’exportation des produits agricoles, le secteur emploie environ 38 % de la population de la région. Ainsi, l’eau utilisée pour les cultures et le bétail joue un rôle essentiel dans le maintien des moyens de subsistance, des revenus et de la sécurité alimentaire des populations rurales dans certaines des zones les plus vulnérables de la région. Les fournisseurs de services d’eau subissent une pression de plus en plus forte pour répondre aux besoins des villes et des bidonvilles en expansion, qui abritent près de 26 millions de personnes déplacées de force (réfugiés et personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays). Cette situation entraîne des coûts supplémentaires et a de nombreuses répercussions sur la santé, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Près de 20 % de la population consacrent plus de 2 à 3 % des dépenses du foyer aux services d’eau, d’assainissement et d’hygiène.

Les Nations unies ont également publié un rapport spécial sur l’évaluation de l’eau dans toutes ses composantes

  1. évaluation des ressources en eau et des écosystèmes in situ ;
  2. évaluation des infrastructures de stockage, de distribution, de réutilisation de l’approvisionnement en eau ;
  3. évaluation des services d’eau (approvisionnement en eau potable, assainissement et aspects sanitaires afférents) ;
  4. évaluation de l’eau en tant qu’agent de la production et de l’activité socio-économique, notamment dans les domaines de l’alimentation et de l’agriculture, de l’énergie et de l’industrie, du commerce et de l’emploi ;
  5. évaluation des composantes socio-culturelles de l’eau, notamment ses attributs récréatifs, culturels et spirituels.

Dans un monde idéal, ces cinq évaluations peuvent conduire à la fixation d’un prix fictif de l’eau. Une bonne planification devrait se baser sur ce prix fictif.

Voir le rapport complet: http://www.unesco.org/reports/wwdr/2021/fr